Si je m'étais attendue à ça... j'avais débarqué à la soirée d'Halloween du FBI dans le but de rencontrer de nouvelles personnes à Seattle, peut-être de lier de nouvelles amitiés, et quelle n'avait pas été ma surprise de découvrir que j'étais assise à la même table qu'Anton, mon meilleur ami sensé être à Los Angeles, avec qui j'avais couché voilà deux mois, de qui j'attendais un enfant, et dont j'étais amoureuse. Oui, notre relation était pour le moins compliquée, et je ne m'attendais pas du tout à le voir débarquer ici. Ca ne me dérangeait pas, bien au contraire, mais il fallait maintenant que je me décide à lui parler et à lui dire que j'étais enceinte, de lui. La soirée tirait à sa fin, et vu que nous étions installés à une table avec deux autres personnes, nous n'avions pas réellement eu l'occasion de discuter. Mais il fallait qu'on parle, et je ne pouvais pas manquer cette occasion. Je ne savais pas combien de temps il allait rester ici, et je me devais d'être honnête. Même si ça allait être dur, aucun doute là-dessus... je m'approchais alors de lui et tapait légèrement sur son épaule. « Hey... il faut qu'on parle, tu viens chez moi? » ; la phrase que tout le monde redoutait, probablement, mais ici, j'avais peur aussi car je ne savais pas comment le lui dire. Je prévins ma sœur de mon départ, qu'elle ne me cherche pas plus tard, et quittais la soirée avec mon meilleur ami. Un taxi nous amena chez moi, et j'ouvrais la porte, le laissant entrer à l'intérieur avant de la refermer derrière nous. Il y avait des jouets de gamins partout, que je repoussais un peu sur les côtés, qu'on puisse s'installer tranquillement. « Assieds-toi. Tu veux boire quelque chose? » ; quelle manière banale d'entamer une conversation! Et le sujet était très important... un bébé. C'était complètement fou, et moi-même j'avais du mal à réaliser que j'étais enceinte de deux mois, d'un peu plus même. Ca me faisait bizarre... mais il fallait bien que j'y pense! Je me servais un coca, et m'installais face à lui. « Qu'est-ce que tu fais ici? » ; pas un ton de reproche, simplement une question curieuse. J'étais à la fois ravie et effrayée de le savoir à Seattle. Je ne m'y attendais pas... après tout, il avait tout à L.A. : un emploi, un appartement, et une famille complète.

Quand je l'avais vu débarquer à la table où j'étais installée, j'avais cru halluciner. C'est vrai, à vrai dire, je pensais à lui depuis mon arrivée à Seattle, et encore plus depuis ces deux derniers jours, depuis que j'avais appris que j'étais enceinte de lui. Évidemment, je n'allais pas garder ça pour moi, et je cherchais un moyen de le voir rapidement pour lui en parler. Mais je ne m'attendais pas à le voir ici, à cette fête du FBI. Il était canon dans son costume tout simple, de geek, comme il l'avait été toute son adolescence. C'était kitsch à souhait, mais ça lui allait vraiment bien... en tout cas, j'adorais. On échangeait quelques mots banals durant la soirée. J'appréhendais le moment où l'on serait seuls et où je devrais lui parler. Mais là, avec tout le monde autour de nous, il était hors de question qu'on aborde les choses sérieuses. Donc, je l'invitais à venir là où je vivais, avec ma sœur et sa petite famille.
Arrivés à la villa, je lui proposais de boire un verre. « Non merci, j'ai assez bu ce soir... » ; j'acquiesçais et me servais un Coca. Ca m'occuperait un temps, ça m'empêcherait de trifouiller mes mains à force de me demander comment j'allais aborder le sujet. Je m'installais face à lui, et lui demandais ce qu'il faisait ici, à Seattle. « Version officielle ou officieuse ? » ; il rit et je souriais légèrement. Même si ça faisait du bien de le retrouver, le poids que j'avais pour l'instant en moi était trop lourd pour que je me déride. « Officiellement, j'avais envie de changer d'air, de partir assez loin de mon père et tout, tu sais bien comment est l'ambiance chez moi... » ; « Ce qui n'est pas non plus tout à fait faux, je me trompe? » ; demandais-je en souriant. Je connaissais les relations tendues qui le liaient à sa famille, surtout depuis que son père l'avait envoyé de force à l'école de police, alors que ce n'était pas ça qu'il voulait faire de sa vie... bon, finalement, ça ne lui déplaisait pas tant que ça, mais tout de même... « Officieusement, je suis venu ici pour toi... J'ai pas arrêté de penser à notre dispute et à ce qui s'est passé après, il y a deux mois... enfin, surtout ce qui s'est passé après. » ; ça avait le mérite d'être clair, et je ne savais plus réellement où me mettre. Il était venu de Los Angeles pour moi... parce qu'il n'arrêtait pas de penser à moi. Seulement, je doutais que pour lui, comme pour moi, les sentiments avaient changé. Moi, je ne le voyais plus comme un ami. Il était bien plus. Et pour couronner le tout, il était le père de l'enfant que je portais. « Si tu n'étais pas venu, je serais retournée pour te voir. Je n'arrête pas d'y penser non plus. À tout ça, à la dispute et à... à après. À propos de ça, il faut que je te dise quelque chose Anton. » ; peut-être que c'était rapide, peut-être qu'on devrait avant tout parler de nous, de ce qu'il s'est passé cette nuit-là, mais je ne pouvais pas le lui cacher plus longtemps. Ca me pesait de trop. Peu importait la réaction qu'il aurait. « Je... je suis enceinte. De deux mois, comme tu peux t'en douter. C'est de toi... » ;

C'était fou que je ne me sois pas rendue compte avant que j'aimais Anton. On se connaît depuis l'enfance, et il aura fallu attendre vingt-deux années pour que je comprenne que je ressentais plus que de l'amitié pour lui. Pitoyable! Et maintenant, le pire de tout, c'est que j'étais dans la merde. Enceinte de lui, il fallait que je le lui annonce avant toute chose. Et ça n'allait pas être la chose la plus simple au monde. Alors, je commençais par quelques banalités. J'étais heureuse de le revoir, mais je ne lui avais pas sauté dans les bras. Les choses étaient trop compliquées pour que je puisse me permettre ça. Après tout, la dernière fois que l'on s'était vus, on avait couché ensemble... et deux meilleurs amis ne se sautent pas dessus, en règle générale! « Nan, t'as raison... Il devient vraiment invivable, j'ai trouvé l'opportunité de partir. Bien qu'il a quand même réussi à abuser de son pouvoir pour me faire transférer ici. » ; « Donc, tu vas bosser ici, à Seattle? » ; pour moi, c'était une bonne nouvelle, et j'avais le sourire aux lèvres, du moins, pour l'instant. Restait à voir comment il allait réagir à la nouvelle que je devais lui annoncer. « Et il a accepté de t'aider à être transféré ici... » ; étonnant de la part de son père. Si leurs relations n'avaient jamais été au beau fixe, il avait toujours voulu paraître très proche de son fils. C'était pour ça que Anton était entré dans son équipe à lui et pas dans une autre... « Tu me fais peur... bien que je suis flatté que tu penses à moi... » ; je lui faisais peur... honnêtement, j'avais peur de la réaction qu'il allait avoir. On était jeunes, et même si moi je me sentais capable d'assumer un enfant, ou du moins, de m'y faire, j'avais peur qu'il se dise que lui n'y arriverait pas... et qu'il lâche tout pour s'en aller. Je le connaissais, mais dans ce genre de cas, on se pose certainement toujours des questions. C'est difficile, ça change une vie, et je ne savais pas du tout ce que lui en pensait. On était meilleurs amis, et pas en couple. Autant dire qu'on n'avait jamais parlé d'enfant! Je lui annonçais alors la grande - mais pas forcément bonne - nouvelle. La réaction ne se fit pas attendre bien longtemps. « Je... te. Attends. Tu es enceinte de moi ? t'es sûre ? Nan mais parce qu'on a bien fait attention... non ? » ; « Oui, je suis sûre que c'est de toi! Et, visiblement, on n'a pas fait assez attention... Anton, s'il était pas de toi, je te dirais pas que c'est le cas! » ; le choc, peut-être, faisait qu'il bégayait. Il ne s'y attendait pas, c'était certain, moi non plus d'ailleurs. Je ne prenais pas la pilule pour le moment, j'avais voulu tester un autre moyen de contraception et malheureusement... il y avait eu un moment de battement, et c'était arrivé au mauvais moment. « Ca peut pas être de quelqu'un d'autre... » ; il n'y avait eu personne durant plusieurs mois avant, et personne depuis. Ca ne pouvait être que de lui, et de toute façon... limite, je préférais que ce soit de lui. Bien sûr, il y avait le fait que j'avais découvert que je l'aimais, mais aussi, je le connaissais. Même si j'appréhendais grandement la réaction qu'il aurait, et maintenant qu'il savait, je ne savais toujours pas ce qu'elle serait.

J'avais du mal à me faire à l'idée que j'attendais un enfant de lui. En fait, que j'attendais un enfant tout court. J'avais déjà songé au fait qu'un jour, j'aurais des enfants, mais certainement pas maintenant. Et me retrouver enceinte de deux mois à vingt-deux ans me perturbait pas mal. J'avais du mal à réagir, du mal à comprendre ce qui m'arrivait. J'étais malade, certes, mais ça restait minime. J'étais fatiguée, mais sans plus. J'avais l'impression de grossir, mais c'était vraiment très peu. Bref, pour l'instant, je ne me rendais pas bien compte. Mais en parler avec Anton allait me forcer à prendre conscience que j'attendais un bébé de lui.
Je discutais donc avec mon "meilleur ami" de son arrivée ici, et était heureuse d'apprendre qu'il travaillait maintenant à Seattle. Ca voulait bien dire qu'il comptait rester à plus ou moins long terme... « Ouaip, c'est ça. Je suis déjà en service à la brigade judiciaire, d'où le fait que je sois à la soirée. » ; « Wow! Et je ne savais même pas ça! Fais gaffe à ce que je ne sois pas vexée! » ; dis-je en souriant. J'étais ravie qu'il soit ici, et que ça ait été une surprise pour moi au final. Il était mon meilleur ami et, par-dessus tout, je l'aimais réellement. Puis... s'il acceptait ma grossesse, ce serait bien plus pratique qu'il soit là, tout près. « Bah si c'est pour changer d'équipe, autant le faire dans les bonnes manières. Tu le connais, il aime utiliser son influence grâce à son nom... Typiquement mon père... » ; en effet, je le connaissais. Même moi, j'avais réussi à avoir quelques altercations avec lui. Je ne lui avais jamais caché que je le méprisais pour forcer son fils à faire un métier qu'il n'aimait pas, et il avait souvent tenté de me remettre à ma place, sans aucun succès. Sans compter le nombre de fois où, plus jeune, dans l'adolescence, il avait tenté de nous séparer pour de bon. Un sale type. Mais j'évitais d'en parler à Anton... et je sentais déjà les hurlements outrés que j'entendrais quand et s'il annonçait à sa famille que j'étais enceinte.
La seule bonne chose dans ce qui m'arrivait, c'était que le bébé était de lui. En fait, quand j'y pensais, si je devais avoir un enfant, c'était avec lui et avec personne d'autre, car si je devais l'élever, il n'y avait qu'avec Anton que je m'en sentais capable, que je saurais comment m'y prendre et comment me reposer parfois sur lui. Encore une fois, s'il l'acceptait. « Je... ouai, je sais ! Mais... je comprends pas... je comprends juste pas comment ça a pu arriver puisqu'on a utilisé un préservatif et... attends. Tu prends bien la pilule non ? » ; « Bah, visiblement, elle était pas d'une excellente qualité la capote! Et non, je ne prenais pas la pilule... j'étais en battement pour changer de moyen de contraception, donc... sur le coup, j'y ai vraiment pas pensé, j'avais autre chose en tête. » ; comme le fait que j'étais vraiment amoureuse de lui et que je m'en rendais seulement compte à ce moment-là. J'aurais dû y penser, mais à vrai dire, j'étais tellement focalisée sur cette nouvelle que je ne me rappelais même plus du moment où la capote avec rompu, ou même s'il en avait vraiment mis une. Je n'en avais aucune idée... « Je... okay. » ; je pouvais pas lui en demander plus. Il hurlait pas, il s'énervait pas, c'était déjà ça. « Et on est censés faire quoi maintenant ? Parce que je vois vraiment pas... » ; « Je... je sais pas! Je suis paumée, Anton! Je le sais depuis deux jours à peine, et j'arrive pas à réaliser que c'est vraiment le cas... j'arrive pas à me dire que je suis enceinte, je percute pas! Je le sais, mais c'est comme si c'était pas le cas. Je sais que je veux pas avorter, parce que je m'en voudrais toute ma vie, mais mis à part ça... ce que je voulais faire, c'était te le dire. Maintenant que c'est fait... j'en sais rien. J'en ai encore parlé à personne. » ; je m'étais posée énormément de questions, mais réaliser... il me faudrait encore un bon moment. « Je sais même pas si je serais capable d'assumer tout ça. J'ai pas de job, je vis chez ma sœur que je connais depuis deux mois, on n'est pas ensemble, et on va avoir un bébé à deux... vraiment, je suis paumée, je sais pas quoi penser ni quoi faire. Je sais que ça doit te prendre de court, mais, crois-moi, je le suis aussi... » ;

Je n'arriverais pas à assumer seule. Est-ce que je saurais élever cet enfant? Déjà maintenant, enceinte de deux mois, j'avais peur de comment j'allais me débrouiller. Est-ce que je serais capable de le faire se sentir bien? Est-ce que tout irait bien quand je lui donnerais son bain, le biberon, voire le sein, le mettre coucher, et j'en passe. J'avais peur. Je ne m'étais jamais occupée d'enfants très petits. La petite Lucy de Heather n'était plus si petite que ça, et encore... parfois je ne savais même pas quoi faire lorsqu'elle pleurait! Je ne voulais pas croire aux conneries qui disaient "C'est votre enfants, vous saurez!" parce que qui savait réellement? Il y avait toujours des exceptions. Peut-être que j'en ferais partie... mais ici, si Anton acceptait et m'accompagnait là-dedans, je serais rassurée. Parce qu'on serait deux et qu'on se serrerait les coudes. Qu'on arriverait forcément à assurer un minimum à deux. De moins, je l'espérais... « Si je te l'aurais dit, ça n'aurait pas pu être une surprise... » ; c'était certain. Mais j'aurais pu me préparer, réfléchir à ce que j'allais lui dire et comment j'allais le faire, plutôt que de le lui balancer de but en blanc et d'attendre une réponse rapidement. Enfin, peut-être qu'il valait mieux que ce soit comme ça. Je n'aurais sûrement pas su me décider à comment le lui dire autrement.
Entre mes sentiments pour lui et le bébé, les choses n'étaient pas simples. Cette nuit passée avec lui avait tout chamboulé, dans tous les sens du terme. Pour être honnête, je ne me rappelais plus s'il avait mis un préservatif ou non. Je me rappelle simplement de ce que j'ai ressenti, du moment où je me suis rendue compte que je l'aimais et que je passais la meilleure nuit de ma vie. De son visage au-dessus de moi. Du moment où je me suis endormie dans ses bras. Et du réveil brutal où je me suis aperçue qu'il n'était plus là, et qui m'a fait perdre tout espoir d'une évolution de notre relation. « Bah... en fait, vu que j'en avais pas sur moi, du moins des récentes, j'ai du prendre celle qui traine dans mon portefeuille depuis mes... 14 ans... » ; « Ah... ben ça explique pas mal de choses... et moi qui prenais pas la pilule, c'est tomber au mauvais moment... » ; je ne regrettais pas ce qu'il s'était passé, loin de là. Ca m'avait permis de prendre conscience de ce que je ressentais. J'avais juste peur, terriblement. Je voulais être à la hauteur, je voulais savoir quoi faire quand et aimer ce petit bout. En fait, je l'aimais déjà. Le fait qu'il soit issu de la plus belle nuit de ma vie me faisait l'adorer déjà. Restait à savoir s'en occuper. Je lui expliquais alors que j'avais peur, que je ne prenais pas réellement conscience. Que moi aussi, j'avais du mal à réaliser bien évidemment. « Je.. ouai ! bien sûr que je suis pris de court... Je suis venu ici te dire ce que je ressentais pour toi et j'apprends que tu es enceinte... de moi en plus. Enfin, tentons de raisonner intelligemment. Le fait que tu vives chez ta sœur n'est pas un problème. Enfin... j'ai un appartement moi donc si au terme de la grossesse ça devient too much ici, tu pourras toujours venir chez moi. Après, personne d'autre n'est au courant ? Juste nous deux ? » ; « Ce que tu ressentais pour moi? » ; mon cœur s'était accéléré à ces mots. Se pourrait-il que... mais il était parti le matin, peut-être même la nuit, après qu'on ait fait l'amour. Alors, c'était plutôt contradictoire... « Oui, juste nous deux. Je voulais pas en parler avant que toi tu ne le saches. C'était la moindre des choses je crois... après, il faut absolument que je me trouve un job. Et enceinte, ça va pas être simple. J'ai beau chercher, je ne trouve rien! Même vendeuse dans des magasins de prêt-à-porter! J'suis trop diplômée donc, trop chère pour eux. Et bon... dans six mois, je suis en congé de maternité donc, ça leur va pas non plus! » ; paumée? À peine. Et je pouvais pas y faire grand chose... je pouvais toujours mentir et ne pas dire pour ma grossesse, mais bon... de toute manière, j'avais l'impression que c'était peine perdue.

Réaliser... il fallait que je comprenne que j'avais ce petit être dans mon ventre. Évidemment, je savais qu'il y était, et je faisais tout pour le protéger. Du moins, je faisais mon possible. Mais je ne me rendais pas compte. C'était trop petit et pas assez voyant. Néanmoins, le fait d'en parler avec Anton me faisait avoir différentes images. Déjà, le fait que dans sept mois, on serait trois. Je l'espérais du moins, je voulais plus que tout qu'il reste et qu'il soit là pour le bébé. Mais bon... il avait le choix. Même si je n'apprécierais pas du tout qu'il prenne ses affaires et retourne à Los Angeles pour éviter d'assumer. Là, il pouvait être certain que c'était la fin de notre amitié.
Puis, on dévia sur un autre sujet du conversation. Quelque chose que j'avais capté au vol mais qui, évidemment, m'intéressait grandement. Ce qu'il ressentait pour moi? C'est-à-dire? À vrai dire, je ne croyais que peu au fait qu'il puisse, comme moi, ressentir quelque chose de plus que de l'amitié. Ce serait trop beau puis, il ne serait pas parti, cette nuit-là. Quoique... « Je... ouai, ce que je ressens toujours d'ailleurs. Je... » ; il semblait réfléchir à la manière de le dire, et mon cœur battait à une vitesse folle. Serait-il possible que...? C'était ce que je voulais, vraiment, mais j'avais du mal à y croire. Et pourtant... « Depuis ce soir là, comme je te l'ai dit, je n'ai pas cessé d'y penser encore et encore. En fait, ça veut dire recommencer encore et encore parce que... Je ne te vois plus comme ma meilleure amie. » ; je fronçais les sourcils. J'avais du mal à comprendre enfin, pour moi, ce n'était pas vraiment clair. D'accord, il y pensait beaucoup, et moi aussi... mais penser à quoi? Au fait qu'on avait couché ensemble, ou au fait que ses sentiments auraient pu changer? Bien sûr, faire l'amour avec lui avait été génial, et j'y avais énormément pensé. Entre autres choses... « Tu ne me vois plus comme ça? C'est-à-dire? Sois plus clair... » ; je savais exactement ce que je voulais entendre de sa bouche, et ça s'en rapprochait, mais je ne voulais pas avoir de faux espoirs et me planter royalement à propos de ce qu'il m'expliquait. Je ne voulais pas sauter dans ses bras, l'embrasser et qu'il me demande de me calmer parce que tout ce qu'il voulait, c'était... par exemple, coucher avec moi, ou quelque chose dans le genre.
Puis, on revenait sur le bébé. Oui, le bébé. Mon bébé, notre bébé. Ca faisait bizarre, mais en même temps, si j'avais peur, j'étais contente de l'avoir bientôt. Plus j'y pensais, plus je me disais qu'après tout, c'était un petit de nous. Et ce serait encore mieux si nos sentiments étaient les mêmes, si on pouvait réellement s'aimer sans avoir peur, et que cet enfant naisse dans un couple qui s'aime vraiment. « Okay... Bah je pense que les prochains au courant sont ta sœur et ta famille... » ; « Probablement, oui. Et Heather pourra peut-être m'aider un peu avec tout ça, la grossesse, l'accouchement... elle a eu une petite fille il y a pas très longtemps. » ; lui expliquais-je, avant de reprendre : « Tu voudrais attendre avant d'en parler à ta famille? » ; je pourrais comprendre. Après tout, je connaissais ses parents, et particulièrement son père, il allait nous péter une durite en moins de temps qu'il ne faudrait pour le dire. Je l'entendais déjà d'ici : c'est une honte, hors mariage, alors que vous n'étiez même pas en couple, que vous avez à peine vingt ans, un métier pas encore stable pour l'un, pas d'emploi pour l'autre... ça risquait d'être joyeux! De mon côté, ma mère serait ravie, surtout que ça faisait longtemps qu'elle était persuadée que j'étais amoureuse d'Anton... et que c'était réciproque. Alors bon... elle allait probablement sauter de joie. « Tu sais, niveau argent ça peut aller pour l'instant, du moins pour les premiers mois. J'ai des économies et j'ai mon job à la police qui, étonnement, rapporte assez bien. » ; « Je sais, mais il est hors de question que tu assumes tout seul! Et puis, un salaire, c'est pas suffisant. Il faut absolument que je trouve quelque chose, et rapidement! Puis, faut pas oublier les frais médicaux, les échographies, les vitamines que je dois prendre, et tout le reste... ça va coûter un pont si j'ai pas d'emploi. » ; ce n'était pas la première fois que j'y pensais. Bon, j'avais une assurance, mais on allait casquer tout de même, on ne pouvait pas faire autrement. « Est-ce que ça veut dire que tu seras là? » ; demandais-je timidement, espérant secrètement que la réponse serait oui.

Les sentiments. C'est quelque chose qu'on ne commande pas. Dans mon cas, tomber amoureuse de mon meilleur ami n'avait rien de prémédité, mais ma mère était certaine que ça arriverait un jour ou l'autre. Combien de fois n'avais-je pas entendu "Oh, tu sors avec Anton? Tu as bien tout ce qu'il te faut?" et où je répondais d'un "Mamaaaan!" exaspéré. Au final, elle avait eu raison. À la fois pour le fait que j'étais amoureuse de lui et que, certainement, j'aurais dû prendre ce qu'il me fallait. Enfin, peut-être que ce bébé serait une bonne chose... mais il était avant tout une énorme surprise. « C'est à dire que je te vois comme plus qu'une meilleure amie... Je suis amoureux de toi Sephora. » ; mon cœur fit un énorme bond dans ma poitrine, et j'eus très chaud d'un coup. La bouche sèche, je cherchais quoi répondre, mais je ne trouvais pas. Je me sentais conne d'un coup. Alors, je m'approchais juste de lui, passais mes bras autour de son cou, et l'embrassais avec tout l'amour que je ressentais pour lui. J'essayais, du moins. Pour moi, c'était fort, c'était vraiment le baiser qui disait tout ce que j'avais sur le cœur, tout ce que j'avais découvert cette nuit-là. Je m'écartais alors de lui, et posais mon front contre le sien. Je me sentais bien... vraiment bien. Le fait qu'il me l'ait dit, tout ça. Puis, le baiser m'avait permis de décompresser un minimum, et je retrouvais l'usage de la parole. « Je t'aime. Je crois que ça fait longtemps... mais je le sais depuis cette nuit. Parce que c'était juste... la plus belle nuit de toute ma vie. » ; nuit qui allait nous donner ce bébé d'ailleurs. C'était bizarre, mais le fait de l'avoir dit et de savoir qu'il m'aimait me faisait voir l'avenir sous un jour meilleur. Peut-être que ça irait, sûrement même! Il y avait moyen qu'on s'en sorte, qu'on soit ensemble et que ce bébé soit bien. Il n'avait aucune raison qu'on n'y arrive pas.
Et donc, le bébé. Je lui expliquais que ma sœur pourrait nous aider un peu avec la grossesse et sûrement les trucs des premiers mois aussi. On verrait... « Ah, c'est une bonne nouvelle ça, quelqu'un qui pourra nous aider. » ; j'acquiesçais, ça ne nous ferait pas de mal, c'était certain, surtout que bon, s'occuper de gosses, on n'avait jamais réellement fait, mis à part d'un poupon en plastique en classe de sciences naturelles il y a plusieurs années. Et on s'en était plutôt mal sortis d'ailleurs... « Comment t'as deviné ? Nan mais ouai, je pense que plus je retarde l'échéance, mieux je me porterais. » ; « On verra. De toute façon, ce n'est pas le plus important pour le moment... » ; le plus important, c'était qu'on s'y fasse, que je trouve un job et qu'on décide de comment tout cela allait se passer. Déjà, il allait y avoir une échographie d'ici quelques semaines, et avec ça, probablement des traitements, des choses à faire et à préparer... enfin, j'en savais même rien à vrai dire! « On trouvera une solution, mais ça va être dur de trouver une entreprise qui accepte une femme enceinte, à moins que ça soit pour une durée déterminée, alors là on pourra tenter de trouver dans ce genre d'annonce. » ; « Ouais... j'ai des entretiens d'embauche la semaine prochaine, espérons que je trouverai quelque chose... » ; je soupirais, haussant les épaules. Je n'y croyais plus trop vu le nombre de refus que j'avais reçus dernièrement. « Tu pensais vraiment que j'allais te laisser vivre ça toute seule ? Même si c'était pas le mien, je t'aurais soutenu malgré tout... tu devrais le savoir quand même. » ; « Je sais... mais je me suis posée tellement de questions que je ne savais plus. » ; non, je ne savais plus s'il serait là, s'il accepterait, alors que je savais qu'il serait toujours là pour moi, que ce soit son bébé ou non. Mais j'avais douté, je m'étais demandée s'il assumerait, alors que je savais qu'il n'était absolument pas le mec du genre à s'enfuir en courant en apprenant qu'il allait être papa, surtout avec moi.

Je me rappelais encore la tête de mes ex petits-amis lorsqu'ils tombaient sur moi avec Anton. Les crises de jalousie que j'avais dû me taper, les cris me traitant de salope, et tout ce genre de choses alors que, lui et moi, on n'était qu'amis. Probablement que, depuis longtemps, c'était flagrant pour tout le monde qu'on avait des sentiments l'un pour l'autre, mais pas pour nous. Je me rappelais aussi de sa sœur, qui parfois venait me parler dans sa chambre pendant qu'il prenait une douche, pour me demander si "il avait enfin bougé son cul". Souvent, je lui avais ri au nez, parfois, je m'étais énervée en assurant qu'il n'y avait rien d'ambigu entre lui et moi. Au final, il avait fallu que l'on couche ensemble pour se rendre compte qu'on avait des sentiments l'un pour l'autre, qu'on était bien plus que des meilleurs amis. Peut-être pas depuis notre première rencontre, mais au moins depuis l'adolescence. Je devais l'avouer, à l'époque, j'avais souvent rêvé qu'il soit mon premier baiser et ma première fois. Il n'avait été aucun des deux et, sur le coup, je n'en avais pas eu grand chose à faire. Mais peut-être que les choses auraient été différentes. Peut-être que je n'aurais pas eu autant d'histoires d'amour si débiles. Peut-être qu'il n'aurait pas couché avec un nombre aussi important de filles à l'école de police. Peut-être que... mais de toute façon, on ne pouvait rien y changer.
Le principal était qu'aujourd'hui, on s'avouait enfin ce qu'on ressentait l'un pour l'autre, scellant ce nouvel amour avoué d'un long baiser digne des plus grands films hollywoodiens. « C'est exactement ce que je pense... » ; dire qu'on aurait pu se "bouger le cul" avant, comme le disait si bien sa grande sœur. Il avait fallu attendre qu'on ait vingt-deux et vingt-trois ans pour qu'on se rende compte de ce qu'on ressentait l'un pour l'autre. Pitoyable... j'étais partie de Los Angeles, laissant derrière moi mon meilleur ami dont j'étais amoureuse, sans même me retourner. Probablement que si je m'étais réveillée à côté de lui le lendemain matin, les choses n'auraient pas été pareilles. J'aurais certainement réfléchi plus d'une fois à mon départ. « Pourquoi est-ce que tu es parti...? Ce matin-là. » ; je voulais savoir parce qu'à mes yeux, ça ne collait pas. Il m'aimait, il le savait visiblement depuis cette nuit-là aussi, et pourtant, il était parti avant que je ne me réveille...
Puis, le bébé. Issu de me plus belle nuit, certes, mais foutant un beau bordel dans ma vie. J'allais devoir tout revoir, tout réagencer pour l'accueillir. Bien sûr, je savais que je l'aimerais plus que tout, déjà rien que pour le fait qu'il serait un petit bout de nous, de tous les deux, qu'il nous ressemblerait. Mais ça allait être dur, je ne me faisais pas d'illusions et ce, même si côté sentiments, les choses étaient avouées et allaient peut-être s'arranger. « Ouai, espérons. » ; déjà, les finances. J'allais tout faire pour avoir ce job, ne fut-ce que pour le bébé, mais aussi pour Anton. Hors de question qu'il assume tout seul de son côté, on s'était mis dans la merde tous les deux, il fallait qu'on gère. Et on y arriverait. « C'est pas grave... mais ne doute plus, je serais toujours là pour toi, promis. » ; je souriais, et m'avançais vers lui pour me mettre dans ses bras. Il serait là, et c'était le principal. C'était ce que je voulais. Le bonus en plus avec le fait qu'il m'aimait lui aussi, que ses sentiments avaient changé. Je me redressais pour l'embrasser une nouvelle fois. C'était une sensation nouvelle et assez bizarre, mais plutôt agréable. « Tu restes ici ce soir? » ; avec ce que l'on s'était dit et avoué, je n'avais pas spécialement envie de le lâcher pour le moment. Puis, Heather ne m'en voudrait pas, je supposais, d'inviter Anton à dormir ici. On avait des choses dont on devait discuter, et on devait mettre certains points au clair aussi. Notamment le fait d'être ensemble ou non. Je me posais la question. Est-ce que le fait de nous être avoué nos sentiments nous amenait à être un couple? Je n'en savais rien du tout...

Puis, s'il n'y avait que nos proches. Combien de fois on m'avait demandé, discrètement "Allez... avoue. Anton et toi vous êtes en couple secrètement?". Bah non, même pas. On avait été amis tout au long de notre enfance, tout au long de notre adolescence pour finalement nous rendre compte de ce qu'on ressentait et de ce que tout le monde avait remarqué aujourd'hui. Et comment? En couchant ensemble. En plus, je ne savais même pas exactement comment c'était arrivé. On se disputait à propos du fait que je parte pour Seattle. Il n'aimait pas l'idée, il ne voulait pas qu'on reste éloignés et, d'un coup, on s'était embrassés. Une chose en entraînant une autre, on s'était retrouvés nus, dans mon lit, à faire l'amour. Et ça avait été parfait... juste parfait. Jusqu'au moment où je m'étais réveillée et où je m'étais rendue compte qu'il était parti, qu'il n'était plus près de moi. Alors, je n'avais plus hésité, et j'avais pris l'avion quelques heures plus tard pour venir ici m'installer, sans lui. Et finalement, je le retrouvais aujourd'hui. Pourquoi était-il parti? Bonne question... et j'eus rapidement une réponse. « Je sais pas... la panique je crois. Tu sais, les sentiments que j'ai pour toi, ils ne datent pas d'il y a deux mois... Mais ils ont pris vraiment une importance ce soir là et quand je me suis réveillé, rien n'allait plus être pareil. Tu allais partir dans une nouvelle ville, rencontrer ta demi-sœur alors que moi, je resterais là à Los Angeles, faire ce boulot de flic... Je voulais pas te dire au revoir, ça voulait dire que j'acceptais ce changement alors que non... J'aurais voulu que tu restes avec moi, et non pas que tu viennes ici. » ; « Avec la discussion et la nuit qu'on avait eue, j'étais prête à réfléchir et à remettre en question mon installation ici! Parce que t'avais raison, c'était égoïste de ma part de partir comme ça juste parce que ma sœur voulait bien me rencontrer, alors que toi, t'es là depuis vingt ans! Puis, cette nuit avait tout chamboulé pour moi aussi... mais bon. J'peux comprendre je crois. » ; comprendre qu'il soit parti ce matin-là, qu'il ait voulu éviter les explications embarrassantes et les au-revoirs larmoyants parce que je n'aurais pas pu m'empêcher de pleurer, je me connaissais.
Et maintenant, on était là, on s'était tout dit, et on attendait un bébé pour dans sept mois. Il serait là, et ça me faisait un bien fou de le savoir. J'espérais fortement qu'à deux, on s'en tirerait. Puis, on aurait Heather, ma mère qui n'allait sûrement pas rester de côté, et ce petit bout de nous deux. Forcément, on ne pourrait que l'aimer, du moins, je le supposais. Même si on allait passer par des moments très difficiles...
Je lui proposais finalement de rester ici, à la villa de ma sœur en espérant qu'elle serait d'accord. Je lui laisserais un mot pour la prévenir, qu'elle ne s'étonne pas de voir Anton demain matin. « Je... ouai. Si ça dérange pas ta sœur... » ; « Non, ça ira. Puis, elle comprendra... viens. » ; je pris alors sa main, et l'emmenait à l'étage où se trouvait ma chambre. Je le faisais entrer, avant de refermer la porte derrière nous et d'aller m'asseoir sur le lit, l'invitant à en faire de même, comme on l'avait toujours fait. Je le regardais finalement, et lui posais la question qui me brûlait les lèvres. « Alors, est-ce que toi et moi, on est... différents? Je veux dire... est-ce qu'on est ensemble? En couple? » ; on s'aimait, on attendait un enfant, et même si c'était très rapide, je voulais qu'on soit réellement en couple plutôt que d'avoir ce bébé en tant que "meilleurs amis". Ce serait un statut vraiment bizarre, à la fois pour nous deux, mais aussi pour tous ceux qui saurait.

Je voyais encore ma mère sourire tendrement en nous voyant nous chamailler à table avant de rire à deux, voire à trois. Mais souvent, on était dans notre bulle, juste nous deux, et c'était certainement un prémisse à cet amour que l'on comprenait maintenant. Je revoyais aussi sa déception, lorsque je lui avais confié avoir mon premier petit-ami, qui n'était pas Anton. J'avais vu son visage se décomposer et, à l'époque, je n'avais pas compris. Une mère sait toujours, je supposais... elle avait tout de suite compris que ce serait lui et moi, mais je pensais qu'elle avait imaginé que ça arriverait plus vite. Lorsque je lui dirais que l'on s'était enfin avoué ce que l'on ressentait l'un pour l'autre, j'imaginais que la joie allait être grande. En plus, avec le bébé qui allait arriver, elle allait être ravie! Du moins, je l'espérais, et j'en étais quasiment sûre. Peut-être même qu'elle viendrait jusqu'ici, à Seattle... qui sait? « Pour moi, c'était sûr et certain que t'allais partir... Et puis, te confronter suite à ce moment là, je sais pas, je savais pas à quoi m'attendre alors j'ai préféré partir, bien que j'aurais voulu te voir au réveil... » ; « Je crois que sur le coup, je n'aurais pas su quoi te dire de toute façon. J'étais paumée, j'hésitais à partir, mais en même temps, j'arrivais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais. Mais bon... j'étais déçue quand même. Je pensais vraiment que tu serais resté, et quand j'ai vu le lit vide... bah, j'ai eu mal, j'avoue. Ca m'a donné des idées, fausses certes, mais douloureuses. » ; comme le fait qu'il était parti parce qu'il regrettait, parce que pour lui, c'était une énorme connerie. Ce qui expliquait aussi que j'avais eu des doutes quant à ma grossesse, sa réaction, s'il allait rester auprès de moi ou non. Je le connaissais, oui, mais l'Anton que je connaissais ne ressemblait pas à faire un truc pareil. Maintenant, je le comprenais, et c'était "logique". Mais sur le coup, j'avais eu d'autres idées, bien plus sombres.
« Okay... ça me va. » ; je souriais, contente qu'il reste près de moi. Je voulais dormir dans ses bras, maintenant que l'on s'était avoué nos sentiments, ce serait différent. On avait déjà dormi ensemble, dans l'adolescence, mais ça avait été très impersonnel, logiquement. Maintenant, ce serait différent, et j'avais hâte de me réveiller près de lui, de sentir que j'étais contre lui, qu'il me tenait dans ses bras. Des petites choses simples qui mettaient de bonne humeur dès le réveil. Sauf qu'ici, on allait malheureusement devoir additionner le fait que j'avais des sales nausées le matin... ça n'allait pas être fort sexy.
Finalement, dans ma chambre, on s'installait sur mon lit, l'un face à l'autre. Je lui posais la question qui me brûlait les lèvres, et il ne tarda pas à me répondre. « Ça semble plutôt évident non ? » ; il souriait, c'était un bon point je supposais. Il s'approcha de moi, et m'embrassa une nouvelle fois. Je ne m'en lassais pas, c'était une sensation juste parfaite et exceptionnelle... dire que je m'étais passée de ça pendant des années. « Je crois bien qu'on est ensemble... » ; cette fois, c'est moi qui souriais. Les choses s'arrangeaient, étaient bien, et ce serait parfait pour notre bébé. Instinctivement, je posais ma main sur mon ventre, pour la première fois de cette manière en fait. « Il aura fallu vingt ans, une nuit et un bébé... mais je ne trouve pas ça si mauvais que ça... au contraire. » ; ça nous rapprochait, et le fait de se trouver maintenant était bien. On en profiterait mieux, on avait connu d'autres personnes, et on savait donc qu'on se correspondait vraiment. C'était comme ça, à mes yeux. Même si ça aurait pu être bien d'être le premier l'un pour l'autre... mais peut-être que ce n'était pas plus mal.

Plus j'y repensais, plus je me trouvais stupide de ne pas m'être rendue compte des sentiments que j'éprouvais pour Anton. Je veux dire... j'ai jamais été très fan de rester cloîtrée dans une chambre pendant des heures devant des écrans de télévision, d'ordinateur et tout ça. Pourtant, pour lui, je pouvais passer des après-midis entiers à jouer à des jeux stupides, même si je n'aimais pas ça. À m'entraîner pour réussir à le battre, juste parce que je le trouvais adorable quand il boudait, et que je n'avais jamais beaucoup de mal à lui rendre le sourire. J'avais toujours préféré rester avec lui à faire des choses que je n'aimais pas forcément, plutôt que de sortir avec mes autres amis, voir avec mes copains pour passer un moment ensemble. Plus je passais du temps avec Anton, mieux j'allais. Et je me rendais compte maintenant de pourquoi la plupart de mes copains m'avaient quittée à cause de lui. J'avais longtemps assuré qu'il ne se passait strictement rien entre lui et moi. En effet... sauf que j'avais toujours eu des sentiments pour lui, probablement. Mais je ne m'en étais pas rendue compte. Revenant sur l'épisode de notre nuit ensemble, et de son départ précipité avant que je ne me réveille, il m'expliquait ce qui lui était passé par la tête. « Étant parti comme un voleur, c'est un peu de ma faute... j'aurais du te laisser un mot ou quoique ce soit... Mais, je sais pas, j'ai agi comme un idiot sur ce coup là... j'veux dire, j'ai agi comme si t'étais une simple fille alors que non, t'es bien plus, beaucoup plus qu'une simple fille à mes yeux. » ; que dire, que répondre à ça? J'avais été déçue et, c'était vrai, j'avais eu l'impression d'être une simple fille de plus, alors que moi, je ressentais de nouveaux sentiments pour lui, des sentiments que je ne me connaissais pas. Ca m'avait fait mal, ça m'avait fait enrager, je lui en avais beaucoup voulu... mais au final, on s'était tous les deux retrouvés dans la même situation : perdus dans nos sentiments, à ne pas savoir quoi faire, ni quoi dire. Et, fort heureusement, aujourd'hui, on se retrouvait. Et bon dieu... oui, je l'aimais. L'avoir en face de moi, pouvoir le voir, le toucher m'assurait de ça. Mon cœur battait tellement vite, je me sentais toute autre. Sensation bizarre, nouvelle, mais vraiment agréable.
Installés dans ma chambre et sur mon lit, on se retrouvait, on s'embrassait, on se caressait. Il m'avait terriblement manqué ces deux derniers mois. Il fallait dire qu'il y avait eu un gros changement. Alors qu'on se voyait tant, limite, on se débrouillait pour se voir un minimum chaque jour, on était passé à rien du tout, même pas un coup de fil. Ca avait été très bizarre. Et je ne voulais plus le quitter, ni le lâcher, d'où ma proposition de rester dormir avec moi ce soir. Ca nous permettrait de nous retrouver, de parler, peut-être même plus, et de nous réveiller... ensemble. Puis, bientôt, on serait à trois. Je réalisais. Le fait de le lui avoir dit rendait les choses concrètes. Puis, ce petit bout n'avait rien demandé... il était là, il resterait, même si ça allait probablement être la galère durant un certain temps. On s'en sortirait, parce qu'on s'aimait. « Pendant qu'on est dans les confidences... si, quand on était au lycée, je t'aurais avoué être jaloux de tes petits amis... t'aurais réagi comment? » ; « Tu étais jaloux de mes copains?! » ; je riais doucement... s'il savait comme c'était minuscule par rapport à ce que je ressentais pour lui. « Sur le coup, je t'aurais probablement dit d'arrêter d'être stupide... puis j'y aurais réfléchi, et je me serais mise à ta place. » ; commençais-je, repensant à la période où il était à l'école de police et où je voyais parfois certaines filles sortir de chez lui alors que j'arrivais. « Mais j'aurais sûrement fini par comprendre. Puis, ça a été mon tour, quelques années plus tard... ça me rendait dingue de voir ces filles sortir de chez toi! » ; expliquais-je, un peu amèrement. Oui, quand j'y repensais, c'était probablement de la jalousie, sans que je ne le comprenne à l'époque. Je me rappelle même avoir hurlé sur une fille qui insinuait qu'elle était en couple avec lui. Mais ça... il ne le savait pas. « En fait... j'étais jalouse mais je ne m'en suis jamais rendue compte avant maintenant. » ; dis-je, songeuse.

Je supposais que si ça arrivait maintenant, c'est que c'était le bon moment. Évidemment, je pouvais me dire que j'aurais préféré que ça arrive il y a déjà plusieurs années, que j'aurais aimé qu'on soit réellement en couple depuis un bon moment avant d'avoir ce bébé, mais je ne pouvais pas revenir en arrière pour changer ça. C'était comme ça, et il fallait l'accepter. De toute façon, peut-être que ça fonctionnerait mieux maintenant que ça ne l'aurait été quand on était adolescents. On avait eu nos propres expériences, bonnes ou mauvaises, on n'aurait pas l'envie d'aller voir ailleurs si c'était meilleur ou non. On savait... autant se dire ça plutôt que de regretter!
Je regardais ma chambre. Ici, tout était encore fort impersonnel. Je n'avais pas réinstallé les diverses photos que j'avais à Los Angeles, elles attendaient sagement dans un carton au fond de ma penderie. Il fallait que je refasse la décoration à mon goût, mais je devais d'abord savoir si j'allais y passer un bon bout de temps ou non. Pour le reste, je ne m'en préoccupais pas trop... c'était un peu bordélique avec quelques vêtements qui traînaient par-ci, par-là, mais j'avais toujours été comme ça. Ca ne changerait pas!
Assis l'un à côté de l'autre sur mon lit, on enchaînait sur une conversation à la fois gênante et plutôt marrante. J'étais très étonnée qu'il m'avoue avoir été jaloux des différents garçons qui étaient passés dans ma vie. Même si je pouvais le comprendre... ça avait été mon cas aussi, pour les filles avec qui il avait passé des nuits. « Je... ouai. Inconsciemment, je crois que je voulais être ton premier, comme toi ma première... Alors quand t'as commencé à fréquenter tous ces gars, c'était... trop tard. » ; je souriais. Alors, il avait des sentiments pour moi depuis si longtemps que ça? Je supposais que c'était aussi mon cas, mais je ne l'avais pas découvert vu qu'il n'avait personne dans sa vie à ce moment-là. « Peut-être... je ne sais pas. Je crois qu'en plus, tout ça, c'était sur un coup de tête de ma part. C'était stupide... j'avais pas tant de sentiments que ça. Mais en même temps, ça nous a permis de voir ce que c'était ailleurs. Même si bon... je crois que j'avais déjà des sentiments pour toi à l'époque, donc, ça aurait été le mieux. » ; gnangnan? Sûrement. Mais c'était pas ridicule. De toute manière, on avait toujours parlé de tout, même si, maintenant que j'y pensais, on avait toujours évité le sujet filles/garçons. On ne s'était jamais réellement confiés sur nos sentiments vis-à-vis des personnes qui passaient dans nos vies, et certainement pas sur le point sexuel. Encore un indice? Peut-être bien. « Moi aussi je me suis considéré comme stupide... Mais tu connais ma soeur, elle a réussi à l'intégrer dans ma tête... » ; je riais alors. « Ta sœur! Combien de fois elle est venue me voir une fois que j'étais seule dans ta chambre pour me parler de nous... elle est persuadée qu'on finira ensemble depuis très longtemps! » ; puis, passa le sujet de ses copines à lui. Ou plutôt, des filles de passage qu'il avait eues, et que je m'étais rapidement mise à jalouser. « Ah ouai ? Ça te rendait dingue ? » ; je soupirais et acquiesçais, repensant à ces filles si différentes de moi qui sortaient de chez lui quand j'arrivais avec un café et des muffins avant de partir en cours. « Elles étaient pas si nombreuses... si ? » ; « Si... crois-moi, elles étaient vraiment nombreuses! J'ai arrêté de les compter à la fin de ton premier mois à l'école de police, ça me rendait folle! J'arrivais pas à concevoir que tu couches avec autant de filles! » ; et j'aurais aimé être celle qui se réveillait le matin près de lui, mais sans avoir à quitter son domicile tout de suite après. Ca allait être le cas à partir de maintenant. Et j'adorais cette idée... j'admettais finalement avoir fortement jalousé ces filles. « Vaut mieux tard que jamais non ? » ; je ris, et acquiesçais, le laissant m'embrassant, lui rendant ce baiser. Je me redressais alors et le poussais légèrement pour qu'il s'allonge dans mon lit, continuant le baiser sans lâcher ses lèvres. Allongée sur lui, je passais l'une de mes mains dans ses cheveux, tandis que l'autre se posait sur son torse. Je me sentais bien, entière, simplement comme ça. Et j'avais envie de lui, mais... je ne savais pas vraiment si c'était l'idée du siècle d'encore le refaire ce soir. Trop de nouvelles d'un coup, peut-être qu'il ne valait mieux pas...

Je me rappelais avec quelle gêne je lui avais annoncé que j'avais mon premier petit ami. Bon, il l'avait appris au lycée, vu que ça se savait, mais je voulais le lui dire moi-même, et je l'avais fait, en bégayant et en rougissant. Puis, finalement, il avait juste acquiescé, et on n'en avait plus jamais reparlé. En fait, je ne lui avais jamais dit quand j'avais eu mon premier baiser, ma première fois, ni rien. Je ne lui en avait jamais parlé, parce que je trouvais ça gênant et que je ne voulais pas qu'il sache. Je comprenais exactement pourquoi, maintenant...
Dans ma chambre, je le voyais regarder autour de lui. Il ne devait certainement pas reconnaître celle que j'avais à LA. En fait, ici, les couleurs ne me convenaient pas, les tentures non plus, et la moquette, n'en parlons pas. Alors, avant tout, il fallait que je refasse tout entièrement et, ensuite, je personnaliserais. Plus le fait qu'avoir sa photo près de moi et me réveiller en le regardant tous les matins m'aurait déprimée. J'avais testé les trois premiers jours. Puis, j'avais fini par la ranger, trop perdue pour savoir si je devais être heureuse ou mélancolique.
« Ouai... comme dirait la phrase bien connue, le meilleur pour la fin. » ; je riais doucement, et acquiesçais. Ca ne m'étonnait pas vraiment de lui. Puis, ce n'était pas faux. C'était clair et net qu'il m'avait fait vivre la meilleure nuit de ma vie ce soir-là. Que quand il m'embrassait, les sensations que j'avais étaient multipliées par cent que quand j'étais avec un autre garçon. Que dès qu'il me touchait, j'avais des frissons de partout. Cette dernière chose état apparue avec mes sentiments. Ou du moins, quand je m'en suis rendue compte. Mais j'aimais vraiment ressentir tout ça... ça me faisait me sentir bien, réellement amoureuse. Parce que c'était sûrement la première fois que je l'étais vraiment. Puis, la conversation dévia sur sa sœur. « C'était pour ça qu'elle se trouvait tout le temps dans ma chambre quand je revenais... Je me demandais pourquoi elle attendait que je sois plus là pour venir... » ; « À la fin, je n'écoutais même plus ce qu'elle venait me dire! C'était du genre "Anton est fait pour toi, il faut que tu te bouges les fesses parce qu'il le fera pas, allez Sephoraaaa! Vous feriez un trop beau couple!", tout des trucs comme ça... » ; en fait, j'aimais bien la sœur d'Anton. Elle était un peu folle sur les bords, mais je m'entendais relativement bien avec elle. Par contre, je me demandais réellement comment elle allait réagir quand elle saurait pour le bébé. Ok, ça faisait très longtemps qu'elle voulait nous caser ensemble, mais là, ça allait très vite! « Quoiqu'il en soit... J'en ai fini avec ça, tu es la seule. » ; la seule, parmi toutes les filles qui étaient passées chez lui. Je voulais être la seule. Je voulais l'être, l'unique, celle qui avait son cœur parce qu'il avait le mien. Alors que je l'embrassais, il s'écarta légèrement de moi et enleva les lunettes qui nous gênaient. Il reprit le baiser là où il en était, et la manière dont il m'embrassa me rendit... complètement folle! Je lui rendais son baiser avec autant de fougue et de passion, ne m'empêchant plus de passer mes mains sous son pull et son tee-shirt. En fait, oui, j'avais terriblement envie de lui, et tant pis si c'était trop tôt ou n'importe quoi. Ca m'avait trop manqué... je le débarrassais du haut, avant de l'embrasser dans le cou, y laissant même ma marque, tout à la base...